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Eloi Leclerc et le secret de la Joie Parfaite

« Fioretto de la joie parfaite » Ce récit est tellement en désaccord avec la conception du bonheur ! Aujourd’hui, le bonheur, c’est posséder, dominer. François d’Assise nous dit exactement le contraire : la joie c’est se déposséder et tout perdre sauf le Christ.
LA DEVINETTE DU PETIT PAUVRE
Eloi Leclerc raconte l’un des plus célèbres – et déconcertants ! fioretti franciscains
« Le Petit Pauvre rentrait de Pérouse à Assise, un soir d’hiver. Chemin faisant, il interroge son compagnon, Frère Léon :
– Sais-tu, Frère Léon, ce qu’est la joie parfaite ?
– C’est sans doute la joie de parvenir à un haut degré de sainteté et d’en donner l’exemple, répond Léon.
– Pas du tout. Là n’est pas la joie parfaite.
– Ce serait peut-être d’opérer des conversions par centaines ?
– Non plus, dit François. Là n’est pas la joie parfaite.
– Peut-être est-ce de connaître les Ecritures à fond, d’avoir le don des langues ou des miracles ou de la prophétie ?
– Encore moins, s’exclame François. En tout cela n’est pas la joie parfaite. Quand bien même, nous posséderions toutes les sciences et que nous parlerions toutes les langues, quand bien même nous serions capables de ressusciter les morts, nous ne connaîtrions pas pour autant la joie parfaite.
– Eh bien ! dis-moi, je t’en prie, ce qu’est la joie parfaite.
– Ecoute, Frère Léon. Nous arriverons bientôt au couvent de Sainte-Marie-des-Anges, tout trempés et transis de froid, sans avoir mangé de toute la journée. Nous frappons à la porte. Le Frère portier nous crie de l’intérieur : Qui êtes-vous ? Nous lui répondons : « Nous sommes deux de vos frères ». Alors il se met à crier de plus belle : « Ce n’est pas vrai. Vous êtes des vauriens et des voleurs. Il n’y a pas de place ici pour vous. Allez-vous-en ! » Et refusant de nous ouvrir, il nous plante là, dans la pluie glaciale et la nuit. Et comme nous insistons et le supplions, voici qu’il sort, armé d’un gourdin, se jette sur nous, nous roule dans la boue et la neige, et nous frappe de tous les noeuds de son bâton.
Si nous supportons cela en grande patience, sans trouble ni murmure, en pensant aux souffrances du Christ béni, eh bien ! Frère Léon, sache que là est la joie parfaite. »