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Foi et laïcité

On parle beaucoup de laïcité actuellement et ce principe est parfois source de clivage politique. Il faut dire que cela renvoie à des sujets qui nourrissent des peurs que les partis populistes exploitent à merveille.

Mais qu’en est-il sur le terrain ? (Guy Bénat)

J’enseigne depuis fort longtemps dans des établissements publics ; la règle de base de l’attitude des personnels est fortement codifiée par cette notion de laïcité : il n’est pas question que des convictions religieuses ou politiques soient affichées, ni la moindre allusion à des idées qui relèvent de la sphère privée. Cela peut paraître contraignant mais j’ai plutôt tendance à penser que c’est un cadre clair qui a le mérite de définir le périmètre de nos interventions. A chacun de ne pas réagir de manière affective devant les évènements et de savoir prendre de la distance dans le discours qu’il tient. C’est bien l’une des missions de l’école : apprendre aux élèves à savoir prendre du recul devant l’actualité et à éviter de réagir à partir d’idées toutes faites ; les jeunes doivent savoir mener une analyse critique en confrontant des points de vue différents et en argumentant.

Pour un chrétien, la Parole de Dieu est une source inépuisable de références et d’aide au discernement ; la vie fraternelle avec d’autres chrétiens permet d’avancer sur le chemin de la foi et aussi sur celui de la raison. Mais, quand je me retrouve au lycée, je dois argumenter en m’appuyant sur des valeurs qui sont celles de la République ; et, sans le moindre doute, ces valeurs conviennent tout à fait aux croyants ; l’égalité, le respect, la tolérance, l’accueil de l’autre, etc.

La laïcité est ainsi une exigence intellectuelle qui impose esprit critique et sens du dialogue pour pouvoir débattre.

L’école a le devoir, d’accueillir tous les élèves, quels qu’ils soient : ce n’est toujours facile à vivre mais cette prescription nous oblige à nous ouvrir toujours plus, à nous adapter à ceux que nous connaissons mal, par exemple aux jeunes tels qu’ils sont aujourd’hui et non pas tels que nous pourrions rêver qu’ils soient… Mais ma foi de chrétien m’apporte vraiment un plus : depuis que j’ai entendu « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait », j’ai découvert que ma mission d’enseignant va bien plus loin qu’accueillir les différences… je dois en plus m’occuper de chacun, l’aider, sinon à réussir dans ma matière du moins à se sentir bien en classe ; je dois lui permettre de saisir qu’il est accepté et même apprécié tel qu’il est et lui proposer des pistes de progression adaptées à ses talents. Pas question par exemple de laisser penser à un élève qu’il ne compte pas pour moi ; j’entends ainsi « tu as du prix à mes yeux et je t’aime ». Concrètement, cela m’amène à avoir un discours d’espérance et de valorisation pour les plus faibles, des mots d’encouragement sur les copies, un message à un élève malade ou absent, une discussion après le cours avec celui qui décroche ou qui s’est énervé, un mot d’excuse de ma part si mon attitude n’a pas été ajustée…

Chacun, là où il est, dans l’enseignement public ou privé, a une énorme responsabilité pour donner confiance à chaque jeune, pour l’aider à acquérir des connaissances et à apprendre à vivre selon les valeurs fondamentales, mais aussi pour développer les moyens d’exercer un esprit critique face aux défis qu’il va rencontrer dans la société.