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Le miracle raté.

(Perjean (dans les annales du Sacré-Cœur d’Issoudun)

Lorsque nous étions enfants, nous nous passionnions pour les « histoires missionnaires ». Or, un jour, nous avions pour nous tout seuls et pour toute la journée, un vieux missionnaire à la barbe en broussaille (Les vieux étaient les meilleurs, car ils n’en finissaient jamais de raconter, raconter…). Ce jour-là il nous raconta l’histoire du miracle raté. Je vous le rapporte brièvement, car pour donner l’intégralité des détails, il me faudrait 20 pages, au moins !…

Donc notre bon Père était un jour perdu dans les montagnes de Papouasie, après un périple d’une semaine qui l’avait amené jusqu’à des peuplades inconnues. Là-bas les montagnes sont très accidentées, la végétation est hostile : touffue, piquante, pleine de sangsues et de lianes traîtresses. Le Père, pressé de rentrer dans sa mission, aboutit enfin sur une petite crête. Mais, à force de monter et de descendre, et de lutter pour se frayer un chemin, il ne savait plus où il était. Devait-il descendre à gauche ou à droite ? Une simple erreur d’orientation pouvait le faire errer pendant des jours. Alors, il tira de sa poche une médaille de la Sainte Vierge, pour faire tout simplement… pile ou face ! Ce fut pile. Il s’engagea donc résolument à gauche. Notre-Dame l’avait toujours guidé et protégé.

Mais après, des heures et des heures de marche, incrédule, il dut se rendre à l’évidence :

il était perdu ! Il aurait fallu descendre l’autre versant !

La nuit tombait lorsqu’il arriva près d’un pauvre village inconnu. Désemparé et fourbu, il décida d’y passer la nuit. Assis près d’un feu où l’on avait mis à griller pour lui une patate douce, il méditait tristement sa mésaventure. Ou bien la Sainte Vierge s’était trompée (ce qui était impossible) ou bien, pour la première fois, elle ne l’avait pas entendu. C’était incroyable.

C’est alors qu’on vint lui dire qu’un malade le demandait. Quelqu’un le demandait ! Mais il ne connaissait personne dans ce coin perdu ! En fait, le malade était bien un chrétien, baptisé jadis dans une mission lointaine et revenu dans sa tribu d’origine pour y finir ses jours. « Ah ! Mon père, dit le vieux, je vais mourir, et j’ai demandé à Marie de m’envoyer un prêtre. Je savais qu’elle m’entendrait. Marie entend toujours nos prières ! »

Mes enfants, concluait le vieux missionnaire, je n’ai jamais été aussi honteux de ma vie. J’avais douté de la Sainte Vierge, alors que, comme toujours, elle savait bien ce qu’elle faisait… »