Un courrier de saint Jean-Baptiste, l’Ami de l’Époux.
Qui suis-je pour vous ?
Une statue d’athlète torse nu et musclé, habillé de peau de chameau, avec un joli agneau à ses pieds, l’index dressé vers le ciel et une banderole Ecce agnus Dei ? Vous vénérez mon crâne à la cathédrale d’Amiens et mon bras droit dans la cathédrale de Perpignan. Si cette relique est authentique – même si c’est bien probable je ne vous le dis pas ce jour – alors ma taille aurait dépassé les 2 mètres. Oui, j’étais un prophète impressionnant, tonitruant, rugueux et terrible, « une voix qui crie dans le désert » (Jn 1, 21), un précurseur du Sauveur appelant à la pénitence, menaçant ses auditeurs du feu de l’enfer en affirmant que « la cognée se trouve à la racine des arbres ; tout arbre donc qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu [et] un feu qui ne s’éteint pas. » (Lc 3, 9 et 17).
Mais pour vous qui suis-je ?
Vous me fêtez ce jour après avoir honoré il y a quelques jours, du moins je l’espère, le Sacré Coeur du Messie que j’annonçais. Vous avez contemplé hier cet amour infini, que saint Paul, dans l’ivresse qu’offre l’union à Dieu, annonce aux Éphésiens en proclamant que : « cette charité du Christ surpasse toute connaissance et seuls les saints peuvent en mesurer la largeur et la longueur, la hauteur et la profondeur. »
Vous avez approché celui que j’aimais jusqu’à en perdre la tête… un jour, devant Hérode, sa maîtresse et sa fille (Mt 14, 3-12).
Mais avez-vous jamais médité l’un des plus beaux titres que me donne l’évangile ? Certes, je suis le Précurseur, le nouvel Élie (Lc 1, 17), le plus grand des fils des hommes (Lc 7, 28), le plus grand des prophètes de l’Ancien Testament (Lc 7, 26) et l’un des premiers martyrs du Nouveau, mais enfin, je suis surtout, et je vous le dis avec confusion tant c’est par grâce et sans mérite de ma part, l’Ami de l’époux.
Rappelez-vous mes paroles que mon disciple, Jean l’évangéliste, a si bien rapporté : « Je ne suis pas le Christ, mais je suis envoyé devant lui. Qui a l’épouse est l’époux ; mais l’ami de l’époux qui se tient là et qui l’entend, est ravi de joie à la voix de l’époux. Telle est ma joie, et elle est complète. Il faut que lui grandisse et que moi je décroisse. » (Jn 3, 28-30).
Alors, je vous en supplie, si vous voulez bien me fêter ce jour, comprenez que Jésus est l’époux de vos âmes, comprenez que l’Incarnation a pour but de vous préparer aux noces éternelles avec l’Agneau dont parle l’Apocalypse (Ap 19, 6-9). Comprenez que la joie, la vraie, celle qui dure, s’épanouit, se dilate et féconde toutes nos actions, n’est pas de la terre mais de Dieu, qu’elle consiste à vivre comme moi, à se tenir là, près de lui, à l’entendre dans son évangile et à se ravir de cette présence. Ne m’enviez pas. Vous l’avez cette présence, vous venez de la célébrer dans la Fête Dieu et celle du Coeur de Jésus, vous savez bien que l’Époux vit à l’ombre de vos tabernacles. Après préparez-vous à la communion, dans un instant comme je l’aurai vécue à votre place.
Et n’oubliez jamais que je suis devenu l’ami de l’époux à la Visitation, lorsque j’ai bondi en dansant dans le sein de ma vieille maman Élisabeth (Lc 1, 39). J’ai alors reconnu l’Époux, caché dans le sein de l’Épouse, j’ai aimé Jésus, caché en Marie, j’ai approché le Coeur de Jésus, en approchant le Coeur de Marie. Faites de même, je vous en supplie, honorez son Coeur immaculé pour mieux comprendre le Coeur du Sauveur et entrer dans la dimension nuptiale, sponsale de la vie chrétienne.
Votre vocation est là, votre bonheur est là et tout le reste n’est rien, rien, rien, je vous l’assure.