Suivons donc les chemins du Christ, ceux qu'il nous a montrés, surtout le chemin d'humilité…
Donner sa vie
Nous voici à quelques jours seulement du vendredi saint, ce jour où nous célébrons la mort de Jésus, donnant sa vie jusqu’au bout, jusqu’à mourir sur la croix…. Mais à la réflexion, ce n’est pas seulement ce jour-là que le Christ a donné sa vie, ce jour n’a été que la conséquence d’une vie donnée, depuis le début, d’une vie donnée chaque jour à tous ceux qui s’approchaient de Lui : Une vie donnée à son Père avec qui il passait de longues heures dans la prière, une vie donnée à l’enseignement de la parole, une vie donnée à tous ceux qui croisaient sa route : le lépreux, le boiteux, le paralytique, où encore ses Apôtres à qui il ne cessait d’enseigner la Bonne nouvelle . Dans le texte de ce jour il s’agit pourtant du don total de sa vie, jusqu’à la croix : « Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes »
Jésus compare ce don de sa vie à un phénomène que nous connaissons bien : Le grain de blé qui tombe en terre. Même si les scientifiques nous proposent des explications tout à fait convaincantes et cohérentes, il faut nous laisser émerveiller par ce qui se passe : Un grain de blé que l’on jette en terre ! On pourrait imaginer que c’est du gâchis, du gaspillage, et au contraire c’est là les prémices de la vie …Dans le noir, dans le froid, dans l’humidité, dans la terre où normalement tout pourrit, voilà que le grain de blé développe un germe, une plante en devenir, une plante qui porte les moissons futures et les épis gorgés de grains nouveaux. Cycle merveilleux de la vie : Heureux sommes nous d’être de la campagne et de pouvoir nous émerveiller devant cette métamorphose, tellement habituelle qu’elle ne nous interpelle plus … Et pourtant quelle prouesse, quelle transformation, quelle espérance …Mais je m’interroge : Pourquoi faut-il que le grain de blé connaisse cette déchéance, cet enfouissement, cette déchéance jusqu’à pourrir dans le sol ? Et je ne parle pas de la confiance, de l’acte de foi, de la prise de risque du cultivateur qui jette sa récolte pour en espérer un plus grand avenir quand le froid de l’hiver, les gelées du printemps et les orages de l’été seront passés … nous sommes habitués à ces cycles de la vie, mais imaginons les craintes de celui qui les découvre pour la première fois ! Mystères de la vie, mystères magnifique et en même temps déstabilisant, inquiétants…
Alors pourquoi fallait-il que le Christ connaisse cette même expérience, ce même processus, puisque lui-même se compare au grain de blé tombé en terre ? Saint Paul pose autrement cette question : Pourquoi fallait-il que le Christ souffrit tout cela pour entrer dans sa gloire ? Pourquoi fallait-il les coups, la trahison, les insultes, le fouet, et la mort infâme sur une croix et l’ensevelissement à la hâte pour cause de sabbat, dans le tombeau tout neuf de Joseph d’Arimathie ? Dieu son Père, Celui que nous appelons le Père tout puissant, ne pouvait-il pas le soustraire à cette terrible épreuve ? Et quand Jésus lui-même lui demande de lui épargner (vous avez entendu, dans le texte Jésus qui demande : Père délivre-moi de cette heure ?) Mystère de la mort, mystère de la souffrance, mystère du silence de Dieu devant la souffrance et même devant la souffrance de Celui qui lui est le plus cher, comme devant la souffrance de ses enfants que nous sommes aussi ? La deuxième lecture de ce jour, la lettre aux hébreux donne une explication partielle ou au moins un sens : Pas d’explication sur le pourquoi de la souffrance, excepté le fait que Lui-même Dieu souffre, en son fils, et devant la mort de son fils, tout comme un papa, une maman souffrent devant le mal et devant la mort de ceux qui leurs sont chers. Mais la lettre aux hébreux nous dit, que, comme dans la parabole du grain de blé qui semble disparaitre en terre, Dieu donne la vie en surabondance à son fils qui lui a fait confiance. Je m’interroge : Si le Christ n’était pas allé jusqu’au bout de sa mission, s’il avait refusé la souffrance et la mort, qui nous aurait dit le pardon du Père devant tout le mal du monde, et si le christ n’avait pas connu une mort en tout point semblable à la nôtre, qui nous aurait dit que, par-delà la tombe, Dieu nous donne la vie en plénitude ? Si le Christ n’avait pas fait le premier le grand passage de la mort à la vie, s’il n’avait pas fait la Pâque, comment pourrions-nous espérer ce passage pour nous ? Jusqu’au bout le Christ a fait confiance à son père (Père entre tes mains je remets mon esprit) et notre confiance à nous aussi sera récompensée, comme celle du paysan qui jette son blé en terre : là où nous étions devant le mystère de la vie, nous voilà devant le mystère de la vie éternelle.
Jésus est donc le grain de blé qui a fait le grand passage, la Pâque et qui porte beaucoup de fruit …. Combien seront-ils les hommes de tous pays, langues et cultures qui viendront s‘incliner devant la croix pour en espérer le salut ? et vous avez entendu les derniers mots de l’Évangile de ce jour : « Quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi TOUS les hommes » … ainsi la croix du Christ porte du fruit pour l’humanité entière. Si la mort du Christ porte du fruit pour tous les hommes, sa vie donnée chaque jour, doit porter du fruit aussi pour chacune et chacun d’entre nous, et même pour ceux qui sont croyants ou moins croyants. Ainsi l’Evangile devient chemin de vie pour beaucoup… Certains lisent l’Evangile et essaient d’en vivre au mieux dans chacune de leurs journées, mais d’autres qui ne le connaissent que plus vaguement, mais qui en connaissent les grands principes : le service, le respect, le partage, le pardon, l’engagement au service des autres, la fidélité etc. etc. ; ceux-là trouvent là aussi du sens à leur vie et cela les fait vivre : Je pense à tous ces gens qui accueillent, qui luttent contre la faim, qui donnent de leur temps aux uns et aux autres…ceux-là aussi entendent la parole de Jésus en ce jour quand il dit : « Qui garde sa vie la perd. Qui s’en détache en ce monde la garde pour la vie éternelle…Si quelqu’un veut me servir, qu’ il me suive et là où je suis, là aussi sera mon serviteur… » C’est une invitation à faire avec lui le passage, la pâque, comme le grain de blé, comme le Serviteur souffrant. Il nous manque peut-être simplement une plus grande confiance pour oser donner un peu mieux un peu plus notre vie pour qu’elle s’épanouisse en vie éternelle. C’est peut-être notre prière en ce dimanche : Père donne nous la confiance du paysan qui jette le blé en terre, donne-nous la confiance du Fils qui va jusqu’au bout du don …. Amen
P. Jo Valentin 18 Mars 2018