Suivons donc les chemins du Christ, ceux qu'il nous a montrés, surtout le chemin d'humilité…
« Si le grain de blé tombé en terre meurt, il porte beaucoup de fruit » (Jn 12, 20-33)
Par l’image du grain de blé, que veut nous dire Jésus ?
Pour un grain de blé, il y a trois façons de mourir. Premièrement, moisir dans un sac.
Deuxièmement, être désagrégé par la terre.
Troisièmement, être moulu pour devenir de la farine.
Les trois sont douloureuses. Mais les deux dernières, la germination et la transformation en farine, c’est pour un plus.
- Moisir dans un sac. Deux ténors se rencontrent. – « Pour moi, tout va à merveille. J’ai été plébiscité par le public et la critique au Metropolitan Opera à New York dans La Traviata. Juste après, j’ai enchaîné à Vienne avec six représentations triomphales de La Bohême. Le mois dernier, j’étais à Covent Garden où je jouais le duc dans Rigoletto ; on s’en souviendra longtemps… Au fait, je ne parle que de moi. À ton tour, un peu. Comment m’as-tu trouvé hier soir dans la Tosca ? »
C’est l’enfermement sur soi. Je rencontre quelqu’un et je suis finalement beaucoup plus intéressé par mes propres soucis que par celui qui se trouve devant moi. Sans même m’en rendre compte, je finis alors par ne plus penser qu’à moi et, dans certains cas, à ne plus parler que de moi. C’est le risque de finir racorni, aigri, moisi. - Être désagrégé par la terre. Avez-vous remarqué que la célébration des funérailles chrétiennes est calquée sur la célébration des baptêmes ? Il y a la Croix, le Cierge pascal, la Lumière, l’Eau bénite. Le Baptême, ouvre en nous la vie éternelle par la grâce, la foi, l’espérance et le souci des autres, jusqu’à ce qu’on enlève le voile et que l’on voit tout dans la lumière bienheureuse de la gloire. Pour nous le grand risque c’est de tourner en boucle sur nous-mêmes. Si nous sommes baptisés c’est pour entrer dans la vie éternelle, c’est pour que la façon dont Jésus est mort soit inscrite en nous. Il n’est pas mort racorni. Il a donné sa vie.
- Pour le grain de blé il y a une deuxième façon de bien « mourir » : c’est d’être moulu par la meule du meunier… Un prêtre libanais raconte ce souvenir émouvant. Il est d’une famille très pauvre. De nombreux frères et sœurs. Il entre au séminaire. Sa maman a beaucoup de travail à la maison. Pour se donner du courage, elle invente ce stratagème. Chaque fois qu’elle fait quelque chose qui lui coûte, elle dépose un grain de blé dans un bocal (un « sacrifice » disons nous). Cette maman avait trouvé cette astuce pour faire son ménage, participer à la messe, prier, bien faire la cuisine ou le repassage, aider les voisines, ne pas se mettre en colère pour rien, repeindre une pièce, etc. Et elle offrait chaque fois ce grain de blé pour que son fils Mansour aille au bout de sa vocation et devienne un bon prêtre. Au bout de cinq années de séminaire, Mansour va être ordonné prêtre. La veille de son ordination, sa maman moud tous les grains de blé qui remplissent le bocal. Elle tamise la farine. Elle pétrit la pâte. Et elle confectionne les hosties qui vont servir à la première messe de son fils prêtre. Quel merveilleux symbole : tous les sacrifices de cette maman deviennent le Corps du Christ.
Voilà pourquoi nous participons à l’eucharistie : elle nous offre la possibilité de tout offrir au Seigneur, même les difficultés, les contrariétés, les échecs, les hontes, pour que Jésus en fasse de la Gloire de son Père et du salut pour le monde.