Les premières icônes de la Vierge Marie qui allaite sont très anciennes. D’origine copte, ces…
Au Ciel…
Père Alain Bandelier
«A quoi bon cette vie terrestre, dans son incroyable singularité et complexité, si tout s’efface au Ciel, s’il n’y a plus que des créatures célestes autour du Créateur ? Spirituellement, c’est très beau ; humainement, c’est décourageant.»
Cette question est extraite d’une longue lettre où une femme se dit prise entre la confiance et la révolte. C’est surtout cette phrase de Jésus qui la trouble : «A la résurrection, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme des anges dans le Ciel» (Mt 22,30). Les époux ne seraient donc pas compagnons d’éternité ? Les liens privilégiés qui nous unissent à certaines personnes ne traverseraient pas la mort ? Cela n’aurait pas de sens de dire d’un défunt : «Il est parti rejoindre ceux qui l’ont précédé» ?
Je pourrais noyer ces questions sous des paroles rassurantes, et imaginer, comme les peintres de la Renaissance, un Paradis verdoyant semé de petites fleurs multicolores. Mais je préfère creuser ces interrogations, à partir d’une formule qu’on entend parfois : «Il ne l’emportera pas au Paradis».
Malgré un accent plutôt agressif, elle ouvre sur une sagesse profonde. La question est bien celle-là : que laisserons-nous derrière nous, à jamais mort et enterré ? Et qu’est-ce qui passera avec nous de ce monde visible dans le monde invisible, à jamais vivant et présent ?
Il m’arrive de célébrer les obsèques de personnes inconnues ; le dialogue avec la famille me permet de recueillir quelques bribes d’une histoire, quelques traits d’une personnalité. Mais finalement, qu’est-ce qui reste ? Cela seul est précieux.
Quelle prise de conscience ! Quel appel à vivre dans la profondeur de l’être et non à la surface des choses et des émotions ! Ce que la vie aura gravé dans mon âme, avec la grâce de Dieu, voilà ce qui ne s’effacera pas.
Plus une société se nourrit de l’éphémère, plus elle a peur de la mort. Comme le disait la chanson : «Tout le monde veut aller au Ciel, oui mais personne ne veut mourir». On veut bien y croire , mais au fond, sincèrement, on ne trouve pas la perspective de l’éternité très réjouissante. On a tellement d’idées fausses sur l’Au-delà ! à moins qu’on n’en ait aucune… Il est vrai que les homélies ont plutôt peur de s’aventurer au-delà de la ligne d’horizon de ce bas monde.
Les maîtres du soupçon sont passés par là. Les promesses d’un autre monde ne sont-elles pas une façon de nous débarrasser à bon compte de nos contradictions psychiques (Freud) ou sociales (Marx), par faiblesse (Nietzsche) ou par mauvaise foi (Sartre) ?
Le concile Vatican II prend le contre-pied de cette critique. «L’Eglise enseigne que l’espérance eschatologique ne diminue pas l’importance des tâches terrestres, mais en soutient bien plutôt l’accomplissement par de nouveaux motifs.
«A l’opposé, lorsque manquent le support divin et l’espérance de la Vie éternelle, la dignité de l’homme subit une très grave blessure, et l’énigme de la vie et de la mort, de la faute et de la souffrance, reste sans solution : ainsi, trop souvent, les hommes s’abîment dans le désespoir » (Gaudium et Spes n° 21 et n° 43).
On cite souvent saint Irénée : «La Gloire de Dieu, c’est l’homme vivant». On omet souvent la suite de la citation : «La vie de l’homme, c’est la vision de Dieu». Après le clair-obscur de la vie présente, le Ciel est l’éblouissement de la Rencontre.
L’éternité n’est ni le flash d’un moment, ni le faux infini que l’on confond avec l’interminable, mais une plénitude sans rivages. Dans cet éblouissement, il ne faut pas croire que tout s’efface. Nous ne sommes pas une poupée de sel qui se dissout dans l’océan, pour reprendre une image célèbre mais sinistre. Au contraire, «dans ta lumière nous verrons la lumière (Ps. 36,10), et toutes les créatures qui ont habité notre cœur et nos pensées nous seront rendues dans leur beauté ultime.
Ce que la vie aura gravé dans mon âme avec la grâce de Dieu, voilà ce qui ne s’effacera pas.
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